04/09/2008

Time's up


Il dort, sommeil léger, je le sens à sa respiration, je regarde, j'écoute, et n'ose bouger.
Est-ce que tu sens lorsque je te regarde ainsi ? J'en ai l'impression, tu t'étires, encore tout endormi, et tu m'attires dans tes bras. Tel le bouton rouge d'urgence, tu éteins alors toutes les alarmes, plus de doutes, je suis bien.

Mais c'est l'heure, l'électronique me le rappelle cruellement, j'éteins le réveil et retourne me nicher juste encore un peu dans tes bras.

"Tu vas être en retard" Et alors ? J'ai toujours l'impression d'être en retard de toi. Mais il faut y aller alors je m'exécutes, fusillé par le temps qui passe. Je m'habille rapidement en te regardant.
Ils dorment, sommeil léger sûrement, puisqu'en descendant les escaliers, j'entends se poser sur le parquet un pied maladroit, en direction de la salle de bain où ce matin je me suis surpris à sourire, en regardant nos deux brosses à dents dans le même verre.


02/09/2008

Unstolen Jewel

Faraway promise


Septembre arrive, noie un été trop vite passé. Le temps a accéléré et m'éloigne toujours plus de ce que j'aurai pu être. Il file entre les doigts comme l'air lorsque l'on passe sa main par la fenêtre d'une voiture en mouvement. Impalpable.

Le décor est flou, alors on essaye de fixer les détails, le blé qui s'est échappé du champ, le coquelicot frêle et fier. Mais on n'y parvient pas, et nos yeux ne nous apporte que des images vagues et cotonneuses.
Et l'on se sent vide. Pas mal ni bien, mais mal de ne pas être tout à fait bien. Incomplet.

Vivre le quotidien avec des choses qui brillent par leur absence, mais le voleur qui les a dérobées s'est aussi barré avec leur souvenir. Je me sens fantôme, immatériel. Ailleurs.

Derrière cet écran d'ordinateur froid, bougre, sinistre et moche, je suis un peu mort ce matin. J'ai dit au revoir encore une fois à ce petit bout de moi dont je ne parviens pas à faire le deuil. Ce petit bout de moi, vaillant, que je persiste encore et toujours à donner aux autres. Fatigué.

Ca fait mal et ça fait rien, poupée rangée dans la commode, je reste en vue pour rester un peu en vie. Ce n'est pas encore aujourd'hui que je finirai dans un carton de la salle 14. Je reste un souvenir vivant. Même si je laisse aux autres le soin de se rappeler de moi. Accessoire.

L'automne ne s'annonce pas trop mauvais cette année, la Toussaint approche, les morts reviendront voir les vivants parait-il, ça tombe bien, j'ai deux trois bouts de moi à ressusciter. Y a pas quelqu'un dans la salle pour m'appeler trois fois ? J'ai une rentrée à louper.


10/07/2008

In my mind

Toc toc toc

Le mur semble vibrer sous ce son incongru, qui peut bien frapper à cette heure-ci ? Personne, je le sais. Embrumé par le sommeil, je me joue des tours, et en attendant de sombrer, la pendule se fige sur l'heure zero. Le rêve, je m'en aperçois maintenant, a peut-être pris fin il y a déjà un moment. Pourquoi ? A quel moment la situation a-t-elle basculée ? Ou peut-être n'est-ce qu'une illusion ?

Toc toc toc

Qui est là ? Une idée perverse, trouble et sans forme, une de ces idées qui vous retourne le crâne, et qui, lancinante, harcèle ma conscience. Idée parasite, tentaculaire, qui viole tout. Idée destructrice, qui sème le doute partout où elle passe, qui salit tout.

Toc toc toc

Hallucination auditive, ou manifestation du doute qui croît. Les mots en boucle résonnent là ou la raison se suicide. Hésiter entre le rêve incertain et le raisonnable, là où au fond il n'y a pas d'hésitations à avoir. S'enchevêtrer encore, encore et même plus dans la toile d'une araignée fantôme, sentir ses tripes se tordre au fil d'un cheminement funeste.

Toc toc toc

Se réveiller et se dire que le courant, qu'il soit calme ou impétueux, nous mène toujours quelque part. Avoir confiance en un avenir de sable, au beau milieu d'une tempête de sentiments, faux et vrais, vrais et faux, sens dessus dessous. Tenter de préserver dans ce foutoir toutes ces fragiles petites lumières, belles et minuscules promesses endeuillées.

Toc toc toc

Hurler dans sa tête, pour que cesse ce manège qui ne ménage rien, pensées à plusieurs vitesses, tout file tellement vite dans la tempête que les idées elles-même s'effritent. Le fait même de réfléchir n'a plus de sens, tellement ridicule que le rire jaillit, fou, douloureux.

Toc toc toc

Le loup est là. Face à l'homme vaincu l'animal prend le dessus, mais l'instinct est lui aussi faussé par les bribes d'humanités, encombrantes. L'armure du chaperon, ce dernier l'a brisée lui-même pour se jeter dans la gueule de la bête. Au final elle n'aura servi à rien.

Toc toc toc

Tire la bobinette et la chevillette cherra ! Mais personne n'entre. Juste un parfum dans la pièce, que le temps efface peu à peu. Peur, j'ai peur, si peur d'oublier, si peur d'avancer, peur de regretter, peur de faire mal, peur de blesser, peur de souffrir, peur de reculer, peur de rêver, peur de me tromper, peur de stagner, peur d'être sans toi, peur d'être avec toi, peur de me perdre dans toi, peur de me perdre sans toi, peur d'être un obstacle sur ton chemin, peur de t'aimer, peur de moi, peur de lui, peur de vous, peur de tout.

Toc toc toc

J'ai ouvert la porte à un parfait inconnu, et c'est moi.

06/07/2008

Incubus


Reflet sans teint, le miroir renvoit l'image blafarde d'un sans vie. Le sang palpite pourtant encore dans ce corps, sang noir, sans âme, que des fragments.



Machine qui rêve la vie, mais n'en a pas l'usage, en a-t-elle au moins l'utilité ? Une goutte sombre perle sur la lèvre, et s'écrase sur la faïence blanche du lavabo sans le moindre son. Choc des réels, pour assouvir dans la nuit ce que le jour ne peut encore donner.



Sang tâche, sans douleur, sensation de se libérer et pourtant de s'enfermer toujours un peu plus.



Briser les sceaux, les cercles, et tout le reste... non. Rattacher le grelot, se redonner un numéro, et attendre l'évocation d'une existence en demi-teinte. Rêver la vie, et laisser aux autres le soin de donner la matérialité, la consistance. Leur laisser entrevoir une fois encore une âme qui n'est que le reflet déformé de la leur. Et se sentir réel, juste le temps du pacte, avant de retourner dans le néant.


04/07/2008

Lea Halalela

Fatshe leso
Lea halalela

Uli-buse le lizwe
Izwe lethu
Mhlaba wethu
Uli phathe Kahle
Izwe lethu
Izwe lehtu

Uzo libusa
Le lizwe
Uli buse kahle
Uzo libusa
Le lizwe
Le lizwe

Fatshe leso
Lea halalela

Uli-buse le lizwe
lzwe lethu
Mhlaba wethu
U'zuli qondise
Izwe lethu

Fatshe leso
Lea halalela

Khuluiwe Sithole

24/06/2008

Nature profonde


Il était une fois, dans une nature pénarde où les bêtes parlent toutes un français délicat, un scorpion qui avait en projet de traverser une rivière...

Il s'adresse alors à une grenouille postée non loin, au bord de l'eau:

-Bonjour Grenouille, ne pourrais-tu me transporter sur ton dos de l'autre côté de cette rivière, s'il te plait ?
-Si tu savais comme ça m'éclate de rendre service, amical scorpion, mais ne vas-tu pas me piquer une fois juché sur mon dos ?
-Pas d'inquiétude, généreuse et prudente grenouille, pourquoi te mettre à mort puisque la noyade serait ma seule récompense, au milieu de cette rivière ?

La grenouille s'en trouva convaincue et invita le scorpion sur son bât, puis commença la traversée...

Arrivée en son milieu, elle ressent le dard assassin lui transpercer sa chair caoutchouteuse, se tordant dans ses douleurs dernières, au milieu des eaux bouillonnantes de ce cruel naufrage, elle ne peut retenir, ultime, une question au scorpion qui arrête alors de regarder ailleurs en faisant semblant de se concentrer sur sa mort lente, à lui aussi, comme si leurs sorts ne furent jamais liés...

-Pourquoi ! Pourquoi me tuer et laisser la mort t'entrainer à ma suite, scorpion dont les contradictions seront sans doute au cœur des pensées de mes derniers instants, alors que j'aurais préféré pleurer en silence l'abandon de ma grenouillette et mes petits grenouillons ?

Crachotant l'eau qui lui emplit la bouche, emporté vers le fond par le poids de son squelette externe, un peu occupé à penser, lui, aux bons moments de sa vie terrestre, il parvient néanmoins à lâcher, dans un dernier souffle, une de ses répliques philosophiques dont il a le secret :

-Parsque c'est dans ma nature !!!...

Version revue et corrigée par un illustre inconnu
de la fable du scorpion et de la grenouille


11/06/2008

Soon salvador

La vitesse me grise, tandis que les petits pixels blancs de la poudreuse s'écrasent sur mon visage. Le froid mord ma gorge à chaque respiration, et le décor défile, vite encore plus vite, si vite. Le temps ne compte pas, tout défile, décor, sons, visages, souvenirs, la fuite en avant s'accélère, et j'ai à peine le temps de regretter ce paysage dont je ne profite peut-être pas assez. Pensées volatiles, elles ne se fixent pas, emportées par les flocons. Suivre la piste fixée, avec le risque croissant à chaque virage de partir dans le décor, se donner l'impression de contrôler, en sachant pertinemment qu'à cette vitesse, le moteur du cœur s'emballe, une embardée et c'est tout le paysage qui se fige. Temps sans gravité, où alors une simple vérité, inéluctable, traverserait un esprit en paix. Pas de panique, une sérénité qui fait froid dans le dos du spectateur. Cette évidence glacée qu'on pourrait traduire par "je vais mourrir, c'est con, mais c'est pas si grave" tandis que l'atlas traverse le champ de vision, et que le son diffus par la pensée remonte lentement en puissance. Contact.

Ouvrir les yeux. On ne s'en rend pas compte encore, mais la vie est partie, une autre est là. Colère, incompréhension, la vérité n'en était pas une, et reprendre de la vitesse, maintenant tout de suite. Garder en tête cet instant où tout était clair, si clair, et où l'on se sentait délivré... un peu morveux, mais délivré. Mais ne pas le retrouver, pas tout de suite, essayer de reprendre cette vie qu'on a abandonnée, qu'on nous reproche d'avoir abandonnée. Mais une vie c'est fragile en fait, c'est un petit commutateur à usage unique, et pouf, OFF. Alors puisqu'on est toujours là avec ce moteur qui ne nous appartient plus, prendre le niveau suivant, délaisser le matériel inutile, pas besoin de carburant, quand le mort est vivant.



29/05/2008

Grace Omega

C'était une petite fille qui voulait se rendre chez sa mère
car elle ne l'avait pas vue depuis sept ans.

On l'habilla de fer en lui disant :
"Tu iras chez ta mère une fois ton vêtement usé".
Alors la fillette se frotta contre les murs
jusqu'à ce que son armure se déchire.

Après avoir rempli son panier de beurre, de fromage
et de pompe elle s'en fut. A la croisée des chemins,
elle rencontra un loup.
Il lui demanda où elle allait, quel chemin elle comptait prendre :
"Le Chemin des Epinglettes ou celui des Aiguillettes ?"
"Le Chemin des Epinglettes", répondit l'enfant.

Le loup prit le Chemin des Aiguillettes, se rendit chez la mère
de la fillette, la dévora, puis mit de côté sa chair et son sang.

La fillette, arrivée à la maison, s'exclama :
"Mère ! Ouvre-moi la porte !"
Le loup l'invita à entrer mais, comme elle n'y parvenait pas,
elle passa par un trou.
"Mère, j'ai faim."
"Prends la viande et mange-la" répondit le loup.
De la chatière, un gros chat s'écria :
"Tu manges la chair de ta mère ! " Le loup rétorqua :
"Jette-lui ton sabot, ma mie. Jette-lui ton sabot".
La fillette s'exécuta.

"Mère ! J'ai soif ! "
Le loup lui conseilla de boire, et,
Tandis que l'enfant buvait, un oiseau dans la cheminée siffla :
"Tu bois le sang de ta mère."
Le loup répliqua : Jette-lui ta coiffe, ma mie. Jette-lui. "
La fillette fit ce qu'on lui dit.

"Mère, comme j'ai sommeil" soupira-t-elle enfin.
Et le loup de répondre :
"Viens te coucher près de moi"
Une fois dans le lit, à la vue du corps de sa Mère,
la fillette s'étonna :
"Oh ! Mère, ces grands ongles que vous avez !"
-"C'est de vieillesse, ma mie, c'est de vieillesse",
répondit le loup.
-"Mère, ces grands cheveux que vous avez !"
-"C'est de vieillesse, ma mie, c'est de vieillesse",
-"Mère, que vous avez de grandes dents !"
-"C'est pour te manger, ma mie."

Et le loup dévora l'enfant...


(Version orale du Petit Chaperon Rouge recensée en 1870
par Jean-Baptiste Victor Smith de la bouche d'une enfant
de 10 ans de Vorey en Velay (Haute-Loire).

赤頭巾



Se he melpt he le heus
Tre he melpt o pridi
Lingu ni he fe he me
Tre he melpt godi

Ste he melpt he le heus
Tre he melpt o pridi
Lingu ni he fe he me
Tre heus o prishid godi

Eta li hapru
Esta mi langu
Oh fabi atshiius
Gofria kruhemen entu

Se he melpt he le heus
Tre he melpt o pridi
Lingu ni he fe he me
Tre he melpt godi


27/05/2008

Radical Dreamers

Autres temps, autres lieux, dans des villes dévastées, dénuées de vie, les tours en ruine pleuraient déjà l'absence. N'était présents que le vent, et des artefacts rappelant les traces des êtres qui vivaient là.

Le décor d'alors interpelait par la violence du chaos qui avait frappé ces lieux, comment les cieux avaient distillés l'apocalypse, minant les fondations de tout ce qui aurait pu être, et qui ne serait jamais. L'enfant d'ici avait créé Babel, et tendait vers le ciel de toutes ses forces, mais c'était sans compter la jalousie du Père qui, effrayé de voir malmenée sa toute puissance, détruisit, rageusement, avec désespoir presque, tout ce qui aurait pu servir de point fixe dans l'espace.

Ce jour là dieu devint mortel, et l'enfant blessé disparut, son esprit dissous dans toutes ces langues qu'il ne comprendrait jamais plus.

Et puis il revint. Peu de temps était passé, mais l'enfant aux yeux désormais assombris, qui avait laissé échappé sa seule porte de sortie, était là face à son monde jadis chéri. Envie de reconstruire, besoin de conserver, le changement, effrayant, le poussa à laisser les ruines le hanter. Monde suspendu dans l'éternité, pâle bonheur de revivre des instants qui jamais n'existeront de nouveau, l'enfant grandissant ne s'aperçut pas à temps que le temps n'appartenait à personne. Et quand il vit les bâtisses s'effriter, devenir sable, en même temps que palissaient ses souvenirs maintenant diffus et imprécis, il découvrit son monde devenu désert. Sahara de rêves devenus poussières, de souvenirs inconsistants, tout ce qu'il touchait dans ce monde stérile ne conservait aucune forme, aucune trace. Il croisa une image de vieillard repentant, et même si l'enfant n'éprouvait plus de haine, l'image s'estompa, bannie depuis si longtemps déjà.

Laisser sa marque, rebâtir, la mission lui semblait impossible. Mais après tout il lui restait encore tant de temps devant lui, que même si ce ne serait jamais que des châteaux de sable, cela suffirait à son bonheur, à condition cette fois de redevenir sable avec eux, lorsque le vent se lèverait de nouveau, redevenir un petit grain et retrouver l'immensité de ce qu'il fut jadis. A jamais.


Broken mirror, a million shades of light
The old echo fades away
But just you and I can find the answer
And then, we can run to the end of the world
We can run to the end of the world



23/05/2008

Phobie ordinaire

Quand cela a-t-il commencé ? Je n'en ai pas la moindre idée. Et pourtant, malgré le climat de bonne volonté qui sincèrement réchauffe toujours un peu le coeur, ça fait mal.

Dernièrement, en entrant dans le métro parisien, bondé comme d'habitude, il y avait un papa et son fils, et probablement l'oncle avec eux.
Ils étaient plutôt jeunes et jouaient avec le gamin. Le jeu c'était de se faire des bisous. Un sur chaque oeil, puis ils louchaient, un sur chaque oreille, puis ils tiraient dessus. Un sur le nez, qu'ils frottaiten ensuite, puis un sur la bouche, et ils s'essuyaient très vite en criant "Cacaaaaaaaaaaaaaa" et en faisant la grimace.

C'était vraiment mignon, et tout le monde dans le métro souriait à la vue de cette scène. Au final c'était que de l'amour. L'enfer est pavé de bonnes intentions.

C'est comme entendre au quotidien pd, tapette, tafiole... Parfois c'est insultant, parfois ça ne l'est pas. Parfois c'est pour faire mal et parfois juste pour rire entre amis. Mais toujours ça induit implicitement un échelonnage, qui rappelle immédiatement que dans ce grand pays qui fut le pays des droits de l'homme, je suis encore un homme diminué, et encore un sous-citoyen.

20/05/2008

Petite histoire d'A

Il y a 4 ans et 2 jours, je débarquais à Lille pour fuir mes histoires artificielles, ma solitude réelle.
Il y a 4 ans et 2 jours, un mec à qui j'avais à peine dit bonjour m'embrassait sur un parking.
Il y a 4 ans et 2 jours, j'ai recommencé à sourire un peu.
Il y a 4 ans et 2 jours, ma vie devint carnaval, et même les insultes pourtant fréquentes glissaient sur nous.
Il y a 4 ans et 1 jour, une femme de ménage a refermé une porte plus vite qu'elle ne l'avait ouverte.
Il y a 4 ans et 1 jour, la tenancière de l'hôtel nous a fait remarquer qu'il n'était pas prévu qu'on passe la journée dans la chambre.
Il y a 4 ans et 1 jour, on s'est promené dans un parc avec de jolies sculptures, mais je ne faisais pas attention à l'art.
Il y a 4 ans et 1 jour, on s'est dit que ce n'est pas parce que c'était une rencontre horizontale qu'on devait appeler ça un plan cul.
Il y a 4 ans, Lille m'a paru tellement belle.
Il y a 4 ans, ce sont plutôt mes fesses que la ville que tu regardais.
Il y a 4 ans, je n'avais pas vraiment envie de partir.
Il y a 4 ans, je suis parti quand même, avec ce petit mal au coeur qui me criait "T'es trop con !"

Mais tu vois, je suis revenu. Je regrette pas.


19/05/2008

Neon

Maintenant que le calme est revenu, dans ma sphère un peu vide je ressasse ce moment, où ma main tel un soupir a éteint Saturne, Mars, privant de lumière les lunes qui dans un jadis incertain ont éclairé Mobys et Grendel. La seule lueur restante, irriguant subtilement l'espace, le bleu, vif, tranchant, appelait, je m'en souviens, la peau à frissonner.


Sans un souffle pourtant, je survolais à l'instant de tendres paysages, en bleu, que du bleu, un bleu qui brûle par son froid, un bleu haletant, qui faisait se débattre les arbres, se courber les montagnes, vibrer les ombres et dans les nuages les dissimuler, pour ne laisser apparaitre que la surface d'un monde égocentré qui ne m'appartient pas.

Nul besoin d'ailes pourtant pour voler, parmi les étoiles je flottais, rebondissant contre l'abrupte continent qui se protègeait du bleu. Et enfin, quand la brûlante lueur a cessé de contraindre la terre, dans un ciel un peu lourd où les étoiles une à une se réveillaient, riaient silencieusement un homme jeune et un jeune homme.

Et j'ai éteint la lampe.


03/05/2008

la vision de Chiron


Le monde entier est une scène, et les hommes et les femmes n'en sont que les acteurs: ils ont leur sorties et leurs entrées sur scène; et un homme joue plusieurs rôles, ses numéros étant ses sept âges.

Shakespeare

24/04/2008

Eden



Croiser des regards, des êtres, vivants mais qui semblent parfois oublier la vie, mais y lire à chaque fois cette petite flamme, lueur éternelle qui semble briller en chacun.

La question.

Juste un point d'interrogation, une gigantesque virgule qui recherche sa conclusion, qui tend vers elle. Un souffle qui cherche son point, atteindre le but qu'il s'est fixé, de toutes ses forces. Nous sommes tous des questions, plus ou moins complexes. Passant notre vie à chercher la réponse, la conclusion. Petit transistor que je suis, je n'échappe pas à la règle, et comme les autres je calcule, cherche, encore et toujours, la réponse. Certains grillent, mais même ceux qui font bande à part n'y échappent pas. Et on cherche on cherche, on cherche, sans trouver.

Petits points d'interrogations aveugles. D'un point fixe nous pourrions soulever le monde. Nous pensions l'avoir trouvé, nous nous sommes trompés, et ce monde que nous nous évertuons à élever se casse la gueule. Moi je ne voulais pas tout ça. Etre heureux, c'est tout. Je ne veux pas connaître la réponse, la question me suffit. Chercher sans trouver me convient bien, mais je cherche comme les autres, me débattant dans mon ignorance, ma frustration de ne pas comprendre, ma frustration de ne pas pouvoir cesser.

Tout comme les shadoks pompaient, nous nous cherchons, sans même savoir ce que l'on cherche. Peut-être 42, après tout 42 c'est pas mal comme réponse, c'est vrai. Ou toi, toi c'est joli aussi. Mais tu n'es pas la réponse, tu es juste un autre caractère d'imprimerie, qui cherche de son côté. J'aime bien chercher avec toi, et malgré le fait de ne pas avoir le choix, j'aimerai tellement que nous ne trouvions jamais le point de notre interrogation, pour chercher, encore et toujours, ensemble.

On ne le dit jamais assez, mais je suis tellement heureux d'avoir été imprimé sur la même page que toi. C'est vrai, on aurait pu se louper d'un chapitre. Mais non, on est là, ensemble, sur nos lignes parallèles sans voir la suite de la phrase, sans voir venir la conclusion qui quoi qu'on fasse arrive. Mais même dans le noir, il apparait inéluctablement qu'il n'y a pas de 5éme destination. Ce n'est pas grave, même si cela ne peut pas durer, avec toi j'aurai trouvé mon eden. Merci.


19/04/2008

Check-up



Je me sens comme ça là. Difficile d'être plus précis. Envie d'appuyer sur le bouton pause, encore faut-il le trouver !


Huit vis

Au final c'est peut-être ça qui m'a fait le plus mal. Ces huit vis dorées, tout autour du cercueil, comme autant de barrières nous séparant. Huit vis pour sceller ton départ, huit vis pour ne plus te voir.

Huit vis... et deux tournevis Ikéa.

Amusant de voir comment les symboles sont forts. Il n'y a qu'avec huit vis que mon corps a vraiment réalisé ton départ.

Pendant ce temps là, mon cerveau anesthésié remarquait les tournevis, la lumière grésillante du funérarium, le papier peint immonde, la tristesse de mes proches... pas la mienne.

Et puis huit vis, et besoin de voir et de fuir en même temps.

Auparavant je t'ai bien sûr dit au revoir. Mais tu étais morte. Morte et froide. Jolie pourtant. Sur ta joue des larmes coulaient, ce n'était pas les tiennes bien sûr, mais cela contrastait tellement avec la paix sur ton visage. Sur la petite table à côté, la photo de ton mariage avec papy. Elle te suivra dans le cercueil. Il t'a manqué hein. Tu es avec lui maintenant. Quand on est retourné chez toi après, j'ai réalisé qu'en fait il n'était jamais vraiment parti.

Je n'avais pas compris que tu l'attendais, toujours, après tout ce temps. Ses fusils, les photographies, rien n'a dû vraiment bouger dans la maison aux fantômes pendant ces 26 années.

Arrivée à l'église du village. Plein de monde. Rapaces est le premier mot qui me vient à l'esprit. Je suis injuste. Pour la plupart ils sont vraiment tristes, ils ont le droit d'être ici. Mais pour une raison qui m'échappe ils me gênent. Je les insulte intérieurement, à croire qu'il leur fallait leur petite attraction de la semaine. Je suis peut-être un peu trop à fleur de peau, la plupart fait partie de la famille au final, même si je ne les connais pas.

Prières, chants, prières, chants, levez-vous, asseyez-vous. Toujours anesthésié, je remarque avec effarement que la plupart des prières ne sont pas pour toi, mais pour nous. Cette religion m'indispose, mais puisque tu y croyais j'y participe. Je galère cinq bonnes minutes pour allumer ce cierge, ma main tremble comme une feuille. Freddy s'en sort mieux au final, dire qu'il m'a demandé de l'aider parce qu'il ne se sentait pas capable. Son visage est ravagé. Niveau gestion des sentiments on a décidément toujours été aussi doués l'un que l'autre. Je remarque son bras droit trembler comme le mien. C'est de famille peut-être en fait.

Direction le caveau. Il fait froid, très froid. On touche une dernière fois le cercueil. En fait c'est juste du bois, froid, verni. Tu n'es déjà plus là. On lance une rose sur ce que mon cynique cerveau n'arrive pas à appeler autrement que le couvercle, et on laisse au tour-opérator/croque-mitaine le soin de refermer la tombe.

Lorsqu'on revient une heure plus tard, il fait bon. Tu vas être bien ici. Je me sens léger en fait. Très léger. Les oiseaux chantent, le vent souffle légèrement, et toutes ces fleurs sont si belles, appellent à la vie. Tu vas me manquer bien sûr. Mais je n'ai plus mal. Je crois.

Je vais me réfugier dans le noir quelques jours encore je pense. Mais ne t'inquiète pas. Je vais bien. Au revoir mamie.


10/04/2008

Maan haltija

Confus, le son me parvient à peine, dissonant, fatigué, usé. Les rouages semblent si lourds, rouillés, mais persistent dans leurs révolutions hésitantes. Le coeur épuisé bat, malgré tout. La volonté entraîne la mécanique, la mécanique épuise la volonté, chaque son se fait plus faible, infime vibration, souffle, râle ?

J'ai mal, et hagard je cherche l'origine de la souffrance, à la fois palpable et diffuse. L'air me semble solide, j'ai froid, je suffoque. Le ciel s'effondre, les villes se meurent, mes entrailles se tordent. Si mal.

Cet après-midi pourtant, je m'en souviens distinctement encore, un jeune homme a regardé le ciel bleu, avec l'infâme espoir de le graver à jamais dans sa mémoire. L'image d'un monde en paix, irradié de chaleur. Naïve tentative de retarder l'inéluctable.

Je ne tiendrai pas ma promesse, je meurs.


07/04/2008

Lost in translation

Encore un week-end, un de plus. La vie, c'est un peu une longue succession de week-end qui se finissent en attendant le suivant. Encore un retour par le train, j'aime ça au final. Rien de mieux pour finir un week-end qu'un départ en train. Ca ne laisse pas le goût d'inachevé des autres départs.

Le train, c'est fixer l'heure du départ, le choix de louper le coche ou non. Une mise à l'épreuve, qui te force à réagir vite, qui précipite les paroles telles qu'elles devraient être, libres.
Un regard qui en dit plus long que tout le reste, un effleurement de la main, parce qu'on ne peut pas s'embrasser ici.

Petit plaisir né de la frustration de ne pas te glisser mon au revoir dans ton cou. Un jour il n'y aura plus besoin d'au revoir... Je crois que je prendrai le train rien que pour la forme, pour le plaisir de revenir te voir. Je prendrai le train avec la même petite joie masochiste de celui qui met son réveil à 3 heures du matin pour le plaisir de se rendormir (oui je suis bizarre parfois).

Plus d'au revoir, cela me fait bizarre, je me suis toujours dit que lorsque tu me parlerais de ça il neigerait... bah arrivé à Lille c'était tout blanc. Wahou c'est pour de bon, j'ai pas rêvé ? Bah faut croire que non. C'est là que j'ai senti quelque chose sur ma jambe.

Un petit dinosaure vert essayait tant bien que mal de dégager sa patte coincée sous ma belle paire de pompes neuves (même pas trop chères !). Même pas contrarié, le petit lézard nettoie ses godasses, me regarde, vérifie que sa queue est toujours accrochée au reste et me demande :

"Où tu voudrais vivre toi ? Moi je veux vivre en Israël"

Alors là, je me suis dit c'est pas commun. Ce petit dino qui fait du pied aux messieurs, il a l'air gentil mais pas très réfléchi. Il va se faire kidnapper par des extrêmistes religieux qui vont le cuire à la broche ou le lobotomiser et le transformer en kamikaze dans une renault 5 bonne pour la casse.

Et là j'ai réfléchi un peu, quand-même, parce que ça m'arrive et surtout que j'avais été assez surpris par les images que j'avais eu d'un pays qu'au fond je ne connais même pas. Aurai-je malgré moi été contaminé par les images du 20h ? Il doit bien y avoir des gens qui sont heureux d'y vivre dans ce pays. Alors effectivement, ce n'est pas lieu le plus sûr de la planète, mais la voiture brûlée à cent mètres de chez moi rend tout à coup cette notion très relative. Là-bas il y a des fanatiques religieux ? Mon voisin ancien légionnaire adepte du coran et de la machette me laisse à penser que ce n'est pas le pays qui fait la religion, et pas forcément la religion qui fait le fanatique (quoi que... tout religion me semble être une forme de fanatisme à mes yeux, mais c'est une autre histoire).

N'empêche que le petit lézard n'y voit que de bons côtés, amoureux qu'il est de cette terre lointaine, mais moi je ne peux m'empêcher de penser que c'est vraiment étrange pour un petit dinosaure né sur la terre de la liberté de rêver de partir dans un pays qui me rappelle tant la fascination morbide de l'humanité pour l'obscurantisme.

On peut dire ce qu'on veut de la France, c'est quand même le pays des droits de l'homme que diable ! Le pays où je n'ai pas le droit d'aimer, où je n'ai pas le droit d'être heureux, le pays où je n'ai pas le droit de fonder une famille. Méritons-nous encore notre titre ? Je nous trouve relativement auto-suffisants. Il fait bon vivre ici, mais nous avons cessé d'être ceux qui défendent les droits élémentaires de l'être humain. Alors on peut se marrer en regardant les autres pays, mais en Israël, pays lointain de fanatiques poseurs de bombes ou l'insécurité règne en maître absolu, bah y a des couples homos qui adoptent des enfants. Y a des spots diffusés à la télé pour expliquer que j'ai le droit de vivre sur cette planète. Certes, ce n'est pas le paradis sur terre, au contraire. Mais ils font des efforts... eux.

Le petit reptile continue de gambader à côté de moi, tout à son projet farfelu. Et soudain je lui demande : pourquoi Israël ?

"Parce que je sens qu'ici c'est pas chez moi, et là-bas ça l'est"

Il semble tellement sûr de lui que ça semble être l'évidence même. C'est chez lui. Il apprend l'Hébreu, écoute des chansons de là-bas. Il a le mal d'un pays que finalement il ne connait pas tout en l'aimant. Et j'ai trouvé ça beau.


Ce matin, il y avait encore un tout petit peu de neige sur ma gouttière. Elle résiste, comme pour me rappeler, que non, ce n'est plus un rêve. Je ne sais pas encore où c'est chez moi, mais je sens que chez moi c'est avec toi. Peut-être au fond es-tu mon Israël à moi ?