Encore un week-end, un de plus. La vie, c'est un peu une longue succession de week-end qui se finissent en attendant le suivant. Encore un retour par le train, j'aime ça au final. Rien de mieux pour finir un week-end qu'un départ en train. Ca ne laisse pas le goût d'inachevé des autres départs.
Le train, c'est fixer l'heure du départ, le choix de louper le coche ou non. Une mise à l'épreuve, qui te force à réagir vite, qui précipite les paroles telles qu'elles devraient être, libres.
Un regard qui en dit plus long que tout le reste, un effleurement de la main, parce qu'on ne peut pas s'embrasser ici.
Petit plaisir né de la frustration de ne pas te glisser mon au revoir dans ton cou. Un jour il n'y aura plus besoin d'au revoir... Je crois que je prendrai le train rien que pour la forme, pour le plaisir de revenir te voir. Je prendrai le train avec la même petite joie masochiste de celui qui met son réveil à 3 heures du matin pour le plaisir de se rendormir (oui je suis bizarre parfois).
Plus d'au revoir, cela me fait bizarre, je me suis toujours dit que lorsque tu me parlerais de ça il neigerait... bah arrivé à Lille c'était tout blanc. Wahou c'est pour de bon, j'ai pas rêvé ? Bah faut croire que non. C'est là que j'ai senti quelque chose sur ma jambe.
Un petit dinosaure vert essayait tant bien que mal de dégager sa patte coincée sous ma belle paire de pompes neuves (même pas trop chères !). Même pas contrarié, le petit lézard nettoie ses godasses, me regarde, vérifie que sa queue est toujours accrochée au reste et me demande :
"Où tu voudrais vivre toi ? Moi je veux vivre en Israël"
Alors là, je me suis dit c'est pas commun. Ce petit dino qui fait du pied aux messieurs, il a l'air gentil mais pas très réfléchi. Il va se faire kidnapper par des extrêmistes religieux qui vont le cuire à la broche ou le lobotomiser et le transformer en kamikaze dans une renault 5 bonne pour la casse.
Et là j'ai réfléchi un peu, quand-même, parce que ça m'arrive et surtout que j'avais été assez surpris par les images que j'avais eu d'un pays qu'au fond je ne connais même pas. Aurai-je malgré moi été contaminé par les images du 20h ? Il doit bien y avoir des gens qui sont heureux d'y vivre dans ce pays. Alors effectivement, ce n'est pas lieu le plus sûr de la planète, mais la voiture brûlée à cent mètres de chez moi rend tout à coup cette notion très relative. Là-bas il y a des fanatiques religieux ? Mon voisin ancien légionnaire adepte du coran et de la machette me laisse à penser que ce n'est pas le pays qui fait la religion, et pas forcément la religion qui fait le fanatique (quoi que... tout religion me semble être une forme de fanatisme à mes yeux, mais c'est une autre histoire).
N'empêche que le petit lézard n'y voit que de bons côtés, amoureux qu'il est de cette terre lointaine, mais moi je ne peux m'empêcher de penser que c'est vraiment étrange pour un petit dinosaure né sur la terre de la liberté de rêver de partir dans un pays qui me rappelle tant la fascination morbide de l'humanité pour l'obscurantisme.
On peut dire ce qu'on veut de la France, c'est quand même le pays des droits de l'homme que diable ! Le pays où je n'ai pas le droit d'aimer, où je n'ai pas le droit d'être heureux, le pays où je n'ai pas le droit de fonder une
famille. Méritons-nous encore notre titre ? Je nous trouve relativement auto-suffisants. Il fait bon vivre ici, mais nous avons cessé d'être ceux qui défendent les droits élémentaires de l'être humain. Alors on peut se marrer en regardant les autres pays, mais en Israël, pays lointain de fanatiques poseurs de bombes ou l'insécurité règne en maître absolu, bah y a des couples homos qui
adoptent des enfants. Y a des spots diffusés à la télé pour expliquer que j'ai le droit de vivre sur cette planète. Certes, ce n'est pas le paradis sur terre, au contraire. Mais ils font des efforts... eux.
Le petit reptile continue de gambader à côté de moi, tout à son projet farfelu. Et soudain je lui demande : pourquoi Israël ?
"Parce que je sens qu'ici c'est pas chez moi, et là-bas ça l'est"
Il semble tellement sûr de lui que ça semble être l'évidence même. C'est chez lui. Il apprend l'Hébreu, écoute des chansons de là-bas. Il a le mal d'un pays que finalement il ne connait pas tout en l'aimant. Et j'ai trouvé ça beau.
Ce matin, il y avait encore un tout petit peu de neige sur ma gouttière. Elle résiste, comme pour me rappeler, que non, ce n'est plus un rêve. Je ne sais pas encore où c'est chez moi, mais je sens que chez moi c'est avec toi. Peut-être au fond es-tu mon Israël à moi ?