29/05/2008

Grace Omega

C'était une petite fille qui voulait se rendre chez sa mère
car elle ne l'avait pas vue depuis sept ans.

On l'habilla de fer en lui disant :
"Tu iras chez ta mère une fois ton vêtement usé".
Alors la fillette se frotta contre les murs
jusqu'à ce que son armure se déchire.

Après avoir rempli son panier de beurre, de fromage
et de pompe elle s'en fut. A la croisée des chemins,
elle rencontra un loup.
Il lui demanda où elle allait, quel chemin elle comptait prendre :
"Le Chemin des Epinglettes ou celui des Aiguillettes ?"
"Le Chemin des Epinglettes", répondit l'enfant.

Le loup prit le Chemin des Aiguillettes, se rendit chez la mère
de la fillette, la dévora, puis mit de côté sa chair et son sang.

La fillette, arrivée à la maison, s'exclama :
"Mère ! Ouvre-moi la porte !"
Le loup l'invita à entrer mais, comme elle n'y parvenait pas,
elle passa par un trou.
"Mère, j'ai faim."
"Prends la viande et mange-la" répondit le loup.
De la chatière, un gros chat s'écria :
"Tu manges la chair de ta mère ! " Le loup rétorqua :
"Jette-lui ton sabot, ma mie. Jette-lui ton sabot".
La fillette s'exécuta.

"Mère ! J'ai soif ! "
Le loup lui conseilla de boire, et,
Tandis que l'enfant buvait, un oiseau dans la cheminée siffla :
"Tu bois le sang de ta mère."
Le loup répliqua : Jette-lui ta coiffe, ma mie. Jette-lui. "
La fillette fit ce qu'on lui dit.

"Mère, comme j'ai sommeil" soupira-t-elle enfin.
Et le loup de répondre :
"Viens te coucher près de moi"
Une fois dans le lit, à la vue du corps de sa Mère,
la fillette s'étonna :
"Oh ! Mère, ces grands ongles que vous avez !"
-"C'est de vieillesse, ma mie, c'est de vieillesse",
répondit le loup.
-"Mère, ces grands cheveux que vous avez !"
-"C'est de vieillesse, ma mie, c'est de vieillesse",
-"Mère, que vous avez de grandes dents !"
-"C'est pour te manger, ma mie."

Et le loup dévora l'enfant...


(Version orale du Petit Chaperon Rouge recensée en 1870
par Jean-Baptiste Victor Smith de la bouche d'une enfant
de 10 ans de Vorey en Velay (Haute-Loire).

赤頭巾



Se he melpt he le heus
Tre he melpt o pridi
Lingu ni he fe he me
Tre he melpt godi

Ste he melpt he le heus
Tre he melpt o pridi
Lingu ni he fe he me
Tre heus o prishid godi

Eta li hapru
Esta mi langu
Oh fabi atshiius
Gofria kruhemen entu

Se he melpt he le heus
Tre he melpt o pridi
Lingu ni he fe he me
Tre he melpt godi


27/05/2008

Radical Dreamers

Autres temps, autres lieux, dans des villes dévastées, dénuées de vie, les tours en ruine pleuraient déjà l'absence. N'était présents que le vent, et des artefacts rappelant les traces des êtres qui vivaient là.

Le décor d'alors interpelait par la violence du chaos qui avait frappé ces lieux, comment les cieux avaient distillés l'apocalypse, minant les fondations de tout ce qui aurait pu être, et qui ne serait jamais. L'enfant d'ici avait créé Babel, et tendait vers le ciel de toutes ses forces, mais c'était sans compter la jalousie du Père qui, effrayé de voir malmenée sa toute puissance, détruisit, rageusement, avec désespoir presque, tout ce qui aurait pu servir de point fixe dans l'espace.

Ce jour là dieu devint mortel, et l'enfant blessé disparut, son esprit dissous dans toutes ces langues qu'il ne comprendrait jamais plus.

Et puis il revint. Peu de temps était passé, mais l'enfant aux yeux désormais assombris, qui avait laissé échappé sa seule porte de sortie, était là face à son monde jadis chéri. Envie de reconstruire, besoin de conserver, le changement, effrayant, le poussa à laisser les ruines le hanter. Monde suspendu dans l'éternité, pâle bonheur de revivre des instants qui jamais n'existeront de nouveau, l'enfant grandissant ne s'aperçut pas à temps que le temps n'appartenait à personne. Et quand il vit les bâtisses s'effriter, devenir sable, en même temps que palissaient ses souvenirs maintenant diffus et imprécis, il découvrit son monde devenu désert. Sahara de rêves devenus poussières, de souvenirs inconsistants, tout ce qu'il touchait dans ce monde stérile ne conservait aucune forme, aucune trace. Il croisa une image de vieillard repentant, et même si l'enfant n'éprouvait plus de haine, l'image s'estompa, bannie depuis si longtemps déjà.

Laisser sa marque, rebâtir, la mission lui semblait impossible. Mais après tout il lui restait encore tant de temps devant lui, que même si ce ne serait jamais que des châteaux de sable, cela suffirait à son bonheur, à condition cette fois de redevenir sable avec eux, lorsque le vent se lèverait de nouveau, redevenir un petit grain et retrouver l'immensité de ce qu'il fut jadis. A jamais.


Broken mirror, a million shades of light
The old echo fades away
But just you and I can find the answer
And then, we can run to the end of the world
We can run to the end of the world



23/05/2008

Phobie ordinaire

Quand cela a-t-il commencé ? Je n'en ai pas la moindre idée. Et pourtant, malgré le climat de bonne volonté qui sincèrement réchauffe toujours un peu le coeur, ça fait mal.

Dernièrement, en entrant dans le métro parisien, bondé comme d'habitude, il y avait un papa et son fils, et probablement l'oncle avec eux.
Ils étaient plutôt jeunes et jouaient avec le gamin. Le jeu c'était de se faire des bisous. Un sur chaque oeil, puis ils louchaient, un sur chaque oreille, puis ils tiraient dessus. Un sur le nez, qu'ils frottaiten ensuite, puis un sur la bouche, et ils s'essuyaient très vite en criant "Cacaaaaaaaaaaaaaa" et en faisant la grimace.

C'était vraiment mignon, et tout le monde dans le métro souriait à la vue de cette scène. Au final c'était que de l'amour. L'enfer est pavé de bonnes intentions.

C'est comme entendre au quotidien pd, tapette, tafiole... Parfois c'est insultant, parfois ça ne l'est pas. Parfois c'est pour faire mal et parfois juste pour rire entre amis. Mais toujours ça induit implicitement un échelonnage, qui rappelle immédiatement que dans ce grand pays qui fut le pays des droits de l'homme, je suis encore un homme diminué, et encore un sous-citoyen.

20/05/2008

Petite histoire d'A

Il y a 4 ans et 2 jours, je débarquais à Lille pour fuir mes histoires artificielles, ma solitude réelle.
Il y a 4 ans et 2 jours, un mec à qui j'avais à peine dit bonjour m'embrassait sur un parking.
Il y a 4 ans et 2 jours, j'ai recommencé à sourire un peu.
Il y a 4 ans et 2 jours, ma vie devint carnaval, et même les insultes pourtant fréquentes glissaient sur nous.
Il y a 4 ans et 1 jour, une femme de ménage a refermé une porte plus vite qu'elle ne l'avait ouverte.
Il y a 4 ans et 1 jour, la tenancière de l'hôtel nous a fait remarquer qu'il n'était pas prévu qu'on passe la journée dans la chambre.
Il y a 4 ans et 1 jour, on s'est promené dans un parc avec de jolies sculptures, mais je ne faisais pas attention à l'art.
Il y a 4 ans et 1 jour, on s'est dit que ce n'est pas parce que c'était une rencontre horizontale qu'on devait appeler ça un plan cul.
Il y a 4 ans, Lille m'a paru tellement belle.
Il y a 4 ans, ce sont plutôt mes fesses que la ville que tu regardais.
Il y a 4 ans, je n'avais pas vraiment envie de partir.
Il y a 4 ans, je suis parti quand même, avec ce petit mal au coeur qui me criait "T'es trop con !"

Mais tu vois, je suis revenu. Je regrette pas.


19/05/2008

Neon

Maintenant que le calme est revenu, dans ma sphère un peu vide je ressasse ce moment, où ma main tel un soupir a éteint Saturne, Mars, privant de lumière les lunes qui dans un jadis incertain ont éclairé Mobys et Grendel. La seule lueur restante, irriguant subtilement l'espace, le bleu, vif, tranchant, appelait, je m'en souviens, la peau à frissonner.


Sans un souffle pourtant, je survolais à l'instant de tendres paysages, en bleu, que du bleu, un bleu qui brûle par son froid, un bleu haletant, qui faisait se débattre les arbres, se courber les montagnes, vibrer les ombres et dans les nuages les dissimuler, pour ne laisser apparaitre que la surface d'un monde égocentré qui ne m'appartient pas.

Nul besoin d'ailes pourtant pour voler, parmi les étoiles je flottais, rebondissant contre l'abrupte continent qui se protègeait du bleu. Et enfin, quand la brûlante lueur a cessé de contraindre la terre, dans un ciel un peu lourd où les étoiles une à une se réveillaient, riaient silencieusement un homme jeune et un jeune homme.

Et j'ai éteint la lampe.


03/05/2008

la vision de Chiron


Le monde entier est une scène, et les hommes et les femmes n'en sont que les acteurs: ils ont leur sorties et leurs entrées sur scène; et un homme joue plusieurs rôles, ses numéros étant ses sept âges.

Shakespeare