24/06/2008

Nature profonde


Il était une fois, dans une nature pénarde où les bêtes parlent toutes un français délicat, un scorpion qui avait en projet de traverser une rivière...

Il s'adresse alors à une grenouille postée non loin, au bord de l'eau:

-Bonjour Grenouille, ne pourrais-tu me transporter sur ton dos de l'autre côté de cette rivière, s'il te plait ?
-Si tu savais comme ça m'éclate de rendre service, amical scorpion, mais ne vas-tu pas me piquer une fois juché sur mon dos ?
-Pas d'inquiétude, généreuse et prudente grenouille, pourquoi te mettre à mort puisque la noyade serait ma seule récompense, au milieu de cette rivière ?

La grenouille s'en trouva convaincue et invita le scorpion sur son bât, puis commença la traversée...

Arrivée en son milieu, elle ressent le dard assassin lui transpercer sa chair caoutchouteuse, se tordant dans ses douleurs dernières, au milieu des eaux bouillonnantes de ce cruel naufrage, elle ne peut retenir, ultime, une question au scorpion qui arrête alors de regarder ailleurs en faisant semblant de se concentrer sur sa mort lente, à lui aussi, comme si leurs sorts ne furent jamais liés...

-Pourquoi ! Pourquoi me tuer et laisser la mort t'entrainer à ma suite, scorpion dont les contradictions seront sans doute au cœur des pensées de mes derniers instants, alors que j'aurais préféré pleurer en silence l'abandon de ma grenouillette et mes petits grenouillons ?

Crachotant l'eau qui lui emplit la bouche, emporté vers le fond par le poids de son squelette externe, un peu occupé à penser, lui, aux bons moments de sa vie terrestre, il parvient néanmoins à lâcher, dans un dernier souffle, une de ses répliques philosophiques dont il a le secret :

-Parsque c'est dans ma nature !!!...

Version revue et corrigée par un illustre inconnu
de la fable du scorpion et de la grenouille


11/06/2008

Soon salvador

La vitesse me grise, tandis que les petits pixels blancs de la poudreuse s'écrasent sur mon visage. Le froid mord ma gorge à chaque respiration, et le décor défile, vite encore plus vite, si vite. Le temps ne compte pas, tout défile, décor, sons, visages, souvenirs, la fuite en avant s'accélère, et j'ai à peine le temps de regretter ce paysage dont je ne profite peut-être pas assez. Pensées volatiles, elles ne se fixent pas, emportées par les flocons. Suivre la piste fixée, avec le risque croissant à chaque virage de partir dans le décor, se donner l'impression de contrôler, en sachant pertinemment qu'à cette vitesse, le moteur du cœur s'emballe, une embardée et c'est tout le paysage qui se fige. Temps sans gravité, où alors une simple vérité, inéluctable, traverserait un esprit en paix. Pas de panique, une sérénité qui fait froid dans le dos du spectateur. Cette évidence glacée qu'on pourrait traduire par "je vais mourrir, c'est con, mais c'est pas si grave" tandis que l'atlas traverse le champ de vision, et que le son diffus par la pensée remonte lentement en puissance. Contact.

Ouvrir les yeux. On ne s'en rend pas compte encore, mais la vie est partie, une autre est là. Colère, incompréhension, la vérité n'en était pas une, et reprendre de la vitesse, maintenant tout de suite. Garder en tête cet instant où tout était clair, si clair, et où l'on se sentait délivré... un peu morveux, mais délivré. Mais ne pas le retrouver, pas tout de suite, essayer de reprendre cette vie qu'on a abandonnée, qu'on nous reproche d'avoir abandonnée. Mais une vie c'est fragile en fait, c'est un petit commutateur à usage unique, et pouf, OFF. Alors puisqu'on est toujours là avec ce moteur qui ne nous appartient plus, prendre le niveau suivant, délaisser le matériel inutile, pas besoin de carburant, quand le mort est vivant.