24/04/2008

Eden



Croiser des regards, des êtres, vivants mais qui semblent parfois oublier la vie, mais y lire à chaque fois cette petite flamme, lueur éternelle qui semble briller en chacun.

La question.

Juste un point d'interrogation, une gigantesque virgule qui recherche sa conclusion, qui tend vers elle. Un souffle qui cherche son point, atteindre le but qu'il s'est fixé, de toutes ses forces. Nous sommes tous des questions, plus ou moins complexes. Passant notre vie à chercher la réponse, la conclusion. Petit transistor que je suis, je n'échappe pas à la règle, et comme les autres je calcule, cherche, encore et toujours, la réponse. Certains grillent, mais même ceux qui font bande à part n'y échappent pas. Et on cherche on cherche, on cherche, sans trouver.

Petits points d'interrogations aveugles. D'un point fixe nous pourrions soulever le monde. Nous pensions l'avoir trouvé, nous nous sommes trompés, et ce monde que nous nous évertuons à élever se casse la gueule. Moi je ne voulais pas tout ça. Etre heureux, c'est tout. Je ne veux pas connaître la réponse, la question me suffit. Chercher sans trouver me convient bien, mais je cherche comme les autres, me débattant dans mon ignorance, ma frustration de ne pas comprendre, ma frustration de ne pas pouvoir cesser.

Tout comme les shadoks pompaient, nous nous cherchons, sans même savoir ce que l'on cherche. Peut-être 42, après tout 42 c'est pas mal comme réponse, c'est vrai. Ou toi, toi c'est joli aussi. Mais tu n'es pas la réponse, tu es juste un autre caractère d'imprimerie, qui cherche de son côté. J'aime bien chercher avec toi, et malgré le fait de ne pas avoir le choix, j'aimerai tellement que nous ne trouvions jamais le point de notre interrogation, pour chercher, encore et toujours, ensemble.

On ne le dit jamais assez, mais je suis tellement heureux d'avoir été imprimé sur la même page que toi. C'est vrai, on aurait pu se louper d'un chapitre. Mais non, on est là, ensemble, sur nos lignes parallèles sans voir la suite de la phrase, sans voir venir la conclusion qui quoi qu'on fasse arrive. Mais même dans le noir, il apparait inéluctablement qu'il n'y a pas de 5éme destination. Ce n'est pas grave, même si cela ne peut pas durer, avec toi j'aurai trouvé mon eden. Merci.


19/04/2008

Check-up



Je me sens comme ça là. Difficile d'être plus précis. Envie d'appuyer sur le bouton pause, encore faut-il le trouver !


Huit vis

Au final c'est peut-être ça qui m'a fait le plus mal. Ces huit vis dorées, tout autour du cercueil, comme autant de barrières nous séparant. Huit vis pour sceller ton départ, huit vis pour ne plus te voir.

Huit vis... et deux tournevis Ikéa.

Amusant de voir comment les symboles sont forts. Il n'y a qu'avec huit vis que mon corps a vraiment réalisé ton départ.

Pendant ce temps là, mon cerveau anesthésié remarquait les tournevis, la lumière grésillante du funérarium, le papier peint immonde, la tristesse de mes proches... pas la mienne.

Et puis huit vis, et besoin de voir et de fuir en même temps.

Auparavant je t'ai bien sûr dit au revoir. Mais tu étais morte. Morte et froide. Jolie pourtant. Sur ta joue des larmes coulaient, ce n'était pas les tiennes bien sûr, mais cela contrastait tellement avec la paix sur ton visage. Sur la petite table à côté, la photo de ton mariage avec papy. Elle te suivra dans le cercueil. Il t'a manqué hein. Tu es avec lui maintenant. Quand on est retourné chez toi après, j'ai réalisé qu'en fait il n'était jamais vraiment parti.

Je n'avais pas compris que tu l'attendais, toujours, après tout ce temps. Ses fusils, les photographies, rien n'a dû vraiment bouger dans la maison aux fantômes pendant ces 26 années.

Arrivée à l'église du village. Plein de monde. Rapaces est le premier mot qui me vient à l'esprit. Je suis injuste. Pour la plupart ils sont vraiment tristes, ils ont le droit d'être ici. Mais pour une raison qui m'échappe ils me gênent. Je les insulte intérieurement, à croire qu'il leur fallait leur petite attraction de la semaine. Je suis peut-être un peu trop à fleur de peau, la plupart fait partie de la famille au final, même si je ne les connais pas.

Prières, chants, prières, chants, levez-vous, asseyez-vous. Toujours anesthésié, je remarque avec effarement que la plupart des prières ne sont pas pour toi, mais pour nous. Cette religion m'indispose, mais puisque tu y croyais j'y participe. Je galère cinq bonnes minutes pour allumer ce cierge, ma main tremble comme une feuille. Freddy s'en sort mieux au final, dire qu'il m'a demandé de l'aider parce qu'il ne se sentait pas capable. Son visage est ravagé. Niveau gestion des sentiments on a décidément toujours été aussi doués l'un que l'autre. Je remarque son bras droit trembler comme le mien. C'est de famille peut-être en fait.

Direction le caveau. Il fait froid, très froid. On touche une dernière fois le cercueil. En fait c'est juste du bois, froid, verni. Tu n'es déjà plus là. On lance une rose sur ce que mon cynique cerveau n'arrive pas à appeler autrement que le couvercle, et on laisse au tour-opérator/croque-mitaine le soin de refermer la tombe.

Lorsqu'on revient une heure plus tard, il fait bon. Tu vas être bien ici. Je me sens léger en fait. Très léger. Les oiseaux chantent, le vent souffle légèrement, et toutes ces fleurs sont si belles, appellent à la vie. Tu vas me manquer bien sûr. Mais je n'ai plus mal. Je crois.

Je vais me réfugier dans le noir quelques jours encore je pense. Mais ne t'inquiète pas. Je vais bien. Au revoir mamie.


10/04/2008

Maan haltija

Confus, le son me parvient à peine, dissonant, fatigué, usé. Les rouages semblent si lourds, rouillés, mais persistent dans leurs révolutions hésitantes. Le coeur épuisé bat, malgré tout. La volonté entraîne la mécanique, la mécanique épuise la volonté, chaque son se fait plus faible, infime vibration, souffle, râle ?

J'ai mal, et hagard je cherche l'origine de la souffrance, à la fois palpable et diffuse. L'air me semble solide, j'ai froid, je suffoque. Le ciel s'effondre, les villes se meurent, mes entrailles se tordent. Si mal.

Cet après-midi pourtant, je m'en souviens distinctement encore, un jeune homme a regardé le ciel bleu, avec l'infâme espoir de le graver à jamais dans sa mémoire. L'image d'un monde en paix, irradié de chaleur. Naïve tentative de retarder l'inéluctable.

Je ne tiendrai pas ma promesse, je meurs.


07/04/2008

Lost in translation

Encore un week-end, un de plus. La vie, c'est un peu une longue succession de week-end qui se finissent en attendant le suivant. Encore un retour par le train, j'aime ça au final. Rien de mieux pour finir un week-end qu'un départ en train. Ca ne laisse pas le goût d'inachevé des autres départs.

Le train, c'est fixer l'heure du départ, le choix de louper le coche ou non. Une mise à l'épreuve, qui te force à réagir vite, qui précipite les paroles telles qu'elles devraient être, libres.
Un regard qui en dit plus long que tout le reste, un effleurement de la main, parce qu'on ne peut pas s'embrasser ici.

Petit plaisir né de la frustration de ne pas te glisser mon au revoir dans ton cou. Un jour il n'y aura plus besoin d'au revoir... Je crois que je prendrai le train rien que pour la forme, pour le plaisir de revenir te voir. Je prendrai le train avec la même petite joie masochiste de celui qui met son réveil à 3 heures du matin pour le plaisir de se rendormir (oui je suis bizarre parfois).

Plus d'au revoir, cela me fait bizarre, je me suis toujours dit que lorsque tu me parlerais de ça il neigerait... bah arrivé à Lille c'était tout blanc. Wahou c'est pour de bon, j'ai pas rêvé ? Bah faut croire que non. C'est là que j'ai senti quelque chose sur ma jambe.

Un petit dinosaure vert essayait tant bien que mal de dégager sa patte coincée sous ma belle paire de pompes neuves (même pas trop chères !). Même pas contrarié, le petit lézard nettoie ses godasses, me regarde, vérifie que sa queue est toujours accrochée au reste et me demande :

"Où tu voudrais vivre toi ? Moi je veux vivre en Israël"

Alors là, je me suis dit c'est pas commun. Ce petit dino qui fait du pied aux messieurs, il a l'air gentil mais pas très réfléchi. Il va se faire kidnapper par des extrêmistes religieux qui vont le cuire à la broche ou le lobotomiser et le transformer en kamikaze dans une renault 5 bonne pour la casse.

Et là j'ai réfléchi un peu, quand-même, parce que ça m'arrive et surtout que j'avais été assez surpris par les images que j'avais eu d'un pays qu'au fond je ne connais même pas. Aurai-je malgré moi été contaminé par les images du 20h ? Il doit bien y avoir des gens qui sont heureux d'y vivre dans ce pays. Alors effectivement, ce n'est pas lieu le plus sûr de la planète, mais la voiture brûlée à cent mètres de chez moi rend tout à coup cette notion très relative. Là-bas il y a des fanatiques religieux ? Mon voisin ancien légionnaire adepte du coran et de la machette me laisse à penser que ce n'est pas le pays qui fait la religion, et pas forcément la religion qui fait le fanatique (quoi que... tout religion me semble être une forme de fanatisme à mes yeux, mais c'est une autre histoire).

N'empêche que le petit lézard n'y voit que de bons côtés, amoureux qu'il est de cette terre lointaine, mais moi je ne peux m'empêcher de penser que c'est vraiment étrange pour un petit dinosaure né sur la terre de la liberté de rêver de partir dans un pays qui me rappelle tant la fascination morbide de l'humanité pour l'obscurantisme.

On peut dire ce qu'on veut de la France, c'est quand même le pays des droits de l'homme que diable ! Le pays où je n'ai pas le droit d'aimer, où je n'ai pas le droit d'être heureux, le pays où je n'ai pas le droit de fonder une famille. Méritons-nous encore notre titre ? Je nous trouve relativement auto-suffisants. Il fait bon vivre ici, mais nous avons cessé d'être ceux qui défendent les droits élémentaires de l'être humain. Alors on peut se marrer en regardant les autres pays, mais en Israël, pays lointain de fanatiques poseurs de bombes ou l'insécurité règne en maître absolu, bah y a des couples homos qui adoptent des enfants. Y a des spots diffusés à la télé pour expliquer que j'ai le droit de vivre sur cette planète. Certes, ce n'est pas le paradis sur terre, au contraire. Mais ils font des efforts... eux.

Le petit reptile continue de gambader à côté de moi, tout à son projet farfelu. Et soudain je lui demande : pourquoi Israël ?

"Parce que je sens qu'ici c'est pas chez moi, et là-bas ça l'est"

Il semble tellement sûr de lui que ça semble être l'évidence même. C'est chez lui. Il apprend l'Hébreu, écoute des chansons de là-bas. Il a le mal d'un pays que finalement il ne connait pas tout en l'aimant. Et j'ai trouvé ça beau.


Ce matin, il y avait encore un tout petit peu de neige sur ma gouttière. Elle résiste, comme pour me rappeler, que non, ce n'est plus un rêve. Je ne sais pas encore où c'est chez moi, mais je sens que chez moi c'est avec toi. Peut-être au fond es-tu mon Israël à moi ?