19/04/2008

Huit vis

Au final c'est peut-être ça qui m'a fait le plus mal. Ces huit vis dorées, tout autour du cercueil, comme autant de barrières nous séparant. Huit vis pour sceller ton départ, huit vis pour ne plus te voir.

Huit vis... et deux tournevis Ikéa.

Amusant de voir comment les symboles sont forts. Il n'y a qu'avec huit vis que mon corps a vraiment réalisé ton départ.

Pendant ce temps là, mon cerveau anesthésié remarquait les tournevis, la lumière grésillante du funérarium, le papier peint immonde, la tristesse de mes proches... pas la mienne.

Et puis huit vis, et besoin de voir et de fuir en même temps.

Auparavant je t'ai bien sûr dit au revoir. Mais tu étais morte. Morte et froide. Jolie pourtant. Sur ta joue des larmes coulaient, ce n'était pas les tiennes bien sûr, mais cela contrastait tellement avec la paix sur ton visage. Sur la petite table à côté, la photo de ton mariage avec papy. Elle te suivra dans le cercueil. Il t'a manqué hein. Tu es avec lui maintenant. Quand on est retourné chez toi après, j'ai réalisé qu'en fait il n'était jamais vraiment parti.

Je n'avais pas compris que tu l'attendais, toujours, après tout ce temps. Ses fusils, les photographies, rien n'a dû vraiment bouger dans la maison aux fantômes pendant ces 26 années.

Arrivée à l'église du village. Plein de monde. Rapaces est le premier mot qui me vient à l'esprit. Je suis injuste. Pour la plupart ils sont vraiment tristes, ils ont le droit d'être ici. Mais pour une raison qui m'échappe ils me gênent. Je les insulte intérieurement, à croire qu'il leur fallait leur petite attraction de la semaine. Je suis peut-être un peu trop à fleur de peau, la plupart fait partie de la famille au final, même si je ne les connais pas.

Prières, chants, prières, chants, levez-vous, asseyez-vous. Toujours anesthésié, je remarque avec effarement que la plupart des prières ne sont pas pour toi, mais pour nous. Cette religion m'indispose, mais puisque tu y croyais j'y participe. Je galère cinq bonnes minutes pour allumer ce cierge, ma main tremble comme une feuille. Freddy s'en sort mieux au final, dire qu'il m'a demandé de l'aider parce qu'il ne se sentait pas capable. Son visage est ravagé. Niveau gestion des sentiments on a décidément toujours été aussi doués l'un que l'autre. Je remarque son bras droit trembler comme le mien. C'est de famille peut-être en fait.

Direction le caveau. Il fait froid, très froid. On touche une dernière fois le cercueil. En fait c'est juste du bois, froid, verni. Tu n'es déjà plus là. On lance une rose sur ce que mon cynique cerveau n'arrive pas à appeler autrement que le couvercle, et on laisse au tour-opérator/croque-mitaine le soin de refermer la tombe.

Lorsqu'on revient une heure plus tard, il fait bon. Tu vas être bien ici. Je me sens léger en fait. Très léger. Les oiseaux chantent, le vent souffle légèrement, et toutes ces fleurs sont si belles, appellent à la vie. Tu vas me manquer bien sûr. Mais je n'ai plus mal. Je crois.

Je vais me réfugier dans le noir quelques jours encore je pense. Mais ne t'inquiète pas. Je vais bien. Au revoir mamie.


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